- ZOONOSES
- ZOONOSESLes zoonoses sont les maladies et les infections qui se transmettent naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice versa. Les zoonoses de (zoon , «animal» et de noson , «maladie») sont des maladies humaines déterminées par des animaux. On admet différentes acceptions plus ou moins larges du terme. La plus commune se restreint à l’étude des maladies infectieuses et parasitaires transmissibles directement ou indirectement à l’homme. En outre, certaines maladies, comme le tétanos, seulement communes aux animaux et à l’homme, n’entrent pas dans ce cadre, car non transmissibles mais puisées dans un même réservoir tellurique, cependant enrichi par les animaux, le cheval en particulier. D’autres maladies occupent la liste d’attente des zoonoses potentielles (staphylococcies, streptococcies, mycobactérioses) tant que la preuve de la contagion humaine naturelle à partir de l’animal ne sera pas administrée, grâce à la vérification de l’identité des souches infectant l’homme et l’animal et à une enquête épidémiologique approfondie.Par ailleurs, seuls les animaux vertébrés domestiques ou sauvages sont considérés comme réservoirs de zoonoses, à l’exclusion des animaux invertébrés, comme les Arthropodes (moustiques, tiques), vecteurs et relais naturels multiplicateurs d’un nombre considérable de zoonoses, comme les arboviroses.Enfin, la réciprocité de la contagion entre l’homme et l’animal illustre l’intertransmissibilité des zoonoses, chacun pouvant devenir tour à tour contaminant donneur et contaminé récepteur de bactéries, de virus ou de parasites pathogènes. L’homme ne représente cependant, dans la plupart des cas, qu’un épiphénomène indifférent dans le cycle naturel de transmission interanimale, qui s’est modifiée ni par son inclusion ni par son exclusion, à l’inverse de certaines zoonoses parasitaires où l’homme devient un relais indispensable dans l’accomplissement du cycle (par exemple, ladrerie bovine ou porcine, filariose). Les zoonoses ne constituent donc souvent qu’un cas particulier des maladies contagieuses interanimales, où l’homme devient une victime occasionnelle, tantôt apte à réinfecter l’animal ou l’homme (zoonose extensive et réversive), tantôt inapte à cette infection (zoonose bornée) et alors seulement «impasse» ou «cul-de-sac» épidémiologique. L’importance des zoonoses est hygiénique, économique et théorique.Place des zoonoses en pathologieL’aspect hygiénique des zoonoses concerne la santé publique et précise les responsabilités assumées par les vétérinaires dans la prophylaxie de ces maladies, dont la plupart n’existent que grâce à l’entretien du réservoir animal (rage, brucellose). Parmi la centaine de zoonoses importantes, la fréquence, très différente d’un pays à l’autre selon l’efficacité de la prophylaxie vétérinaire réglementée, permet de distinguer les zoonoses professionnelles (brucellose, leptospirose, charbon), attachées à certains corps de métiers, les zoonoses accidentelles, à contagion occasionnelle, et les zoonoses de loisirs (leptospirose du baigneur, tularémie du chasseur). En outre, leur fréquence et leur gravité autorisent une séparation en zoonoses majeures (rage, brucellose, tuberculose, leptospiroses), zoonoses mineures, les unes rares mais sévères (listériose, tularémie, psittacose-ornithose, charbon), voire mortelle (rage), les autres fréquentes mais bénignes (vaccine, ecthyma), enfin zoonoses exceptionnelles (fièvre aphteuse, maladie d’Aujeszky).L’importance économique des zoonoses est liée à la réversibilité de la contagion de l’homme à l’animal, entraînant la réinfection de troupeaux préalablement assainis, comme dans la tuberculose bovine, où les patentes sanitaires des exploitations indemnes imposent au personnel la production d’un certificat de santé.Quant à leur importance théorique, elle concerne l’évolution épidémiologique chez les animaux et l’homme, synchrone des modifications artificielles de l’élevage concentré actuel et des biotopes, de l’accroissement du nombre des animaux de compagnie dans les collectivités humaines, de la démocratisation de la chasse, des exodes en périodes de vacances, de la multiplication des résidences secondaires. On conçoit que prenne place désormais, à côté de la pathologie comparée de l’homme et des animaux, une pathologie associée et corrélative, dont les zoonoses constituent l’illustration majeure.ClassificationLa classification des zoonoses mérite d’être plutôt épidémiologique qu’étiologique. Elle sépare quatre groupes de maladies, selon leurs modalités essentielles de transmission.Les zoonoses à transmission directe (orthozoonoses) par traumatisme, contact, inhalation ou ingestion de germes virulents sont les plus nombreuses et les plus redoutables, qu’elles soient à bactéries ou à virus: brucellose, tuberculose, salmonelloses, charbon, leptospiroses, listériose, tularémie, rouget, morve, pseudotuberculose, fièvre Q, rage, ornithose-psittacose.Les zoonoses à transmission cyclique (cyclozoonoses), essentiellement parasitaires, sont en nombre plus restreint (téniasis, hydatidose, cénurose).Les zoonoses à transmission vectorielle (phérozoonoses) relèvent de la piqûre d’un vecteur (moustique ou tique) infecté d’arbovirus (encéphalomyélites, fièvre jaune), de rickettsies (typhus divers, fièvre boutonneuse, fièvre Q), de bactéries (peste, borrelliose, tularémie), de protozoaires (leishmaniose, trypanosomoses) et comprennent aussi certaines helminthoses graves (schistosomose, filariose, draconculose, distomose).Enfin, certaines maladies humaines à réservoir tellurique enrichi par les animaux peuvent se grouper dans une quatrième catégorie (saprozoonoses), bien que la contagion directe soit exceptionnelle ou nulle (rouget, listériose, actinomycose, teignes, sporotrichose, ankylostomose, voire tétanos et botulisme).On retrouve ainsi certaines maladies dans plusieurs groupes, selon les diverses modalités de leur transmission et selon leur classement parmi les maladies professionnelles, accidentelles ou de loisirs, sinon leur appartenance aux trois catégories à la fois (brucellose, leptospiroses, tularémie).Un dernier aspect de la classification des zoonoses concerne leur expression clinique, donc leur dépistage, nécessaire à l’enquête épidémiologique. Le dépistage clinique des zoonoses se révèle souvent malaisé à cause des diverses expressions symptomatologiques de la même maladie chez l’homme et l’animal. Dans certains cas, l’infection est cliniquement semblable: dans la rage, la morve, la tuberculose, la leptospirose, la tularémie, la psittacose. Au contraire, le charbon, le rouget, la brucellose, certaines rickettsioses ou arboviroses évoluent chez l’homme de manière très différente de la maladie animale correspondante. La difficulté du dépistage devient considérable lorsque la maladie demeure cachée, latente ou inapparente chez l’homme, ou chez l’animal, quelquefois même chez les deux à la fois. La leptospirose des porchers, la fièvre boutonneuse, l’ornithose, la leishmaniose, certaines salmonelloses ne s’expriment que chez l’homme, qui devient alors révélateur de l’infection animale infraclinique. Inversement, l’animal peut être révélateur d’une infection humaine larvée, comme dans la tuberculose bovine d’origine humaine, ou la fièvre paratyphoïde B du porc contractée à partir de l’homme porteur de germes. Quelquefois aussi, l’homme et l’animal peuvent ne demeurer que porteurs et excréteurs, échangeant en toute réciprocité les germes dans un silence clinique total, comme quelquefois dans la brucellose ou certaines arboviroses.Enfin, beaucoup plus rarement, l’homme paraît capable de devenir pour l’animal une source d’infections à microbes essentiellement anthropopathogènes, tels la tuberculose à bacille humain (singe, chien, chat, bovins, perroquet), l’influenza (porc, cheval) ou le para-influenza (bovins, singe), la rougeole (singe), la poliomyélite (singe, perruche, bovins), les oreillons (chien), les salmonelloses paratyphiques B (bovins, chien, tortue), les shigelloses (singe, bovins, chien, perruche), la diphtérie (chien, bovins), la pneumococcie (bovins), certaines dermatomycoses, en particulier la microsporie humaine (chien, singe, cobayes), peut-être l’hépatite à virus; l’animal, victime initiale, peut cependant à son tour réinfecter l’homme et se réintégrer ainsi dans le cadre des zoonoses.Modes de transmissionLe mode de transmission directe le plus simple de l’animal à l’homme est représenté par l’ornithose, infection inapparente du pigeon et d’autres oiseaux (fig. 1 a).Il se complique déjà dans le charbon humain, à réservoir tellurique, mais d’origines animales diverses (fig. 1 b), et, plus encore, dans la rage, en raison de la multiplicité des espèces animales réceptives, essentiellement contaminantes par morsures (fig. 1 c).L’homme peut ne pas demeurer une impasse, et l’infection peut soit s’étendre de l’homme à l’homme, comme dans la peste humaine (fig. 1 d), soit s’étendre à la fois à l’homme et à l’animal initialement contaminant, dans la vaccine (fig. 1 e).Le schéma épidémiologique de la tuberculose, plus complexe encore que celui des salmonelloses ou de la brucellose, implique de très nombreuses espèces animales (bovins, petits ruminants, porc, oiseaux), différents types microbiens (Mycobacterium tuberculosis , bovis , avium ) et de multiples sources de contagion (contact, inhalation, lait, viandes).Les zoonoses cycliques parasitaires offrent des schémas de transmission simples où l’homme est inclus dans le cycle, comme dans la ladrerie bovine ou porcine (fig. 2 a), ou non inclus dans le cycle, comme dans l’hydatidose (fig. 2 b).Les zoonoses à vecteurs (fig. 3) ménagent à l’homme une place occasionnelle de victime, lors de la piqûre par l’arthropode infecté à partir d’animaux, avec possibilité d’infection réversive du vecteur à partir de l’homme, comme dans la fièvre jaune (fig. 3 a).Ces divers modèles simples de contagion se compliquent souvent, et une zoonose parasitaire cyclique comme la bothriocéphalose se comporte également en maladie à transmission directe et à relais hydrotellurique (fig. 3 b).De même, avec, par surcroît, une influence saisonnière manifeste, la pseudo-tuberculose se transmet de nombreuses espèces animales à l’homme, soit directement par contact, en hiver, soit indirectement, au printemps, par l’intermédiaire de végétaux souillés (fig. 3 c).La mise à jour des cartes épidémiologiques des zoonoses se révèle donc assez difficile devant des intercontaminations aussi variées et subtiles. Elle est cependant nécessaire pour permettre de préciser les risques encourus par l’homme et pour les amenuiser ou les annuler grâce à une prophylaxie rationnelle, essentiellement vétérinaire.ProphylaxiePréoccupation constante des grands organismes internationaux (Office international des épizooties, Organisation mondiale de la santé, Food and Agriculture Organization), la prophylaxie des zoonoses comprend trois aspects différents.La protection directe de l’homme concerne surtout les maladies professionnelles, en milieu rural et industriel et au laboratoire. Elle consiste dans le respect de précautions sanitaires (port de vêtements spéciaux, de gants, de lunettes, de dispositifs atmosphériques de sécurité, désinfection, désinsectisation, dératisation, assainissement général) et dans la vaccination spécifique, soit incluse dans un cadre général (antituberculeuse, antiamarile, antipestique, antityphique), soit particulière (anticharbonneuse, antitularémique, antibrucellique, antiarbovirale, antirabique).Si le traitement de l’homme, le plus précoce et le plus efficace possible, est indispensable dans tous les cas, celui des animaux contaminants doit, à l’inverse, être banni de toute prophylaxie. Il importe, en effet, de dénoncer le danger pour l’homme du traitement de la zoonose chez l’animal et d’interdire inconditionnellement toute thérapeutique qui risque de convertir l’animal cliniquement malade en porteur et excréteur dissimulé de germes antibiorésistants.C’est donc essentiellement sur la prophylaxie chez l’animal que doit porter la lutte contre les zoonoses. Surtout quand la maladie représente à la fois un fléau économique et une zoonose majeure (brucellose, tuberculose), la prophylaxie vise l’éradication de la maladie animale par abattage et suppression définitive des malades et des porteurs contaminés. La vaccination d’appoint n’est tolérable qu’en pays très infecté, où l’éradication est impossible dans l’immédiat, et dans la mesure où les répercussions sérologiques ou allergiques ne sont pas incompatibles avec le dépistage de l’infection animale. Aussi le B.C.G. a-t-il été interdit dans la prophylaxie de la tuberculose bovine et la vaccination antibrucellique strictement réservée aux jeunes femelles impubères, qui éliminent en quelques mois les agglutinines postvaccinales interférant avec le dépistage sérologique de la maladie. La prophylaxie mixte médicale et sanitaire doit, du reste, toujours tendre vers la suppression de toute vaccination, dès que l’éradication par abattage devient économiquement possible.La réglementation adoptée dans de nombreux pays pour lutter contre les zoonoses vise, en particulier, certaines maladies qui se retrouvent à la fois sur la liste des maladies réputées contagieuses à déclaration obligatoire chez les animaux et chez l’homme et sur les tableaux des maladies professionnelles comme la tuberculose, la leptospirose, la brucellose, la rage, les salmonelloses, la psittacose (cf. TRAVAIL - La médecine du travail).La prophylaxie de telles zoonoses est étroitement réglementée et complétée par le contrôle sanitaire des produits d’origine animale destinés à la consommation humaine (viandes, conserves, charcuterie, lait et produits laitiers, poissons et crustacés, coquillages, œufs, glaces, crèmes glacées).Il serait du reste opportun que soient harmonisées, mieux que par les textes actuels, les informations réciproques et les actions hygiéniques conjointes des services médicaux et vétérinaires, tant à l’intérieur de chaque pays que sur le plan international. Leur coopération rationnelle se situe, en effet, à la base d’une lutte efficace contre les zoonoses, où se vérifie l’unicité des deux médecines, donc des deux prophylaxies.
Encyclopédie Universelle. 2012.